Bonjour Mike2, en fait il s’agit là de ma théorie personnelle car il n'y a eu aucune étude spécifique à ce sujet concernant les psittacidés (du moins à ma connaissance), mais pour avoir pratiqué l'epp, l'assistance au nid, la man et l'eam, j'en suis arrivée à certaines conclusions :
Je pense que l'effet d'imprégnation s'effectue effectivement
avant l'ouverture des yeux. Il est connu et prouvé que les mères touis céleste communiquent avec leurs oisillons à travers la coquille de l’œuf et leur attribuent déjà un nom unique à ce stade. Le poussin identifie donc son parent par sa voix, les sons qu'il utilise et son rythme cardiaque.(car la femelle couve à même sa peau grâce à sa plaque incubatrice, ce qui fait que les embryon peuvent ressentir les battements cardiaques des parents).
Les oiseaux les plus imprégnés que j'ai eu élevé sont des oiseaux que j'ai dû eam à partir du jour 1 ou 2, à qui j'ai donc énormément parlé puisqu'ils ne pouvaient pas me voir, et que j'ai réchauffé avec ma propre chaleur corporelle grâce à un contact peau à peau (peau des mains mais surtout du cou car je les gardais contre moi dans un foulard ou une écharpe, et donc proche de la jugulaire, et donc, en contact avec mon rythme cardiaque).
Ensuite, après l'ouverture des yeux, le degré de familiarisation va dépendre du temps et surtout du temps de manipulation effective proposé à l'oisillons. Plus on se montre tactile, plus l'imprégnation sera forte.
C'est vraiment à ce stade que j'ai pu constater une différence entre imprégnation et socialisation. Si je prends deux oisillons que je manipule de la même manière pendant l'eam, j'aurais des résultats différents en fonction de l'age du début du nourrissage. Un poussin élevé depuis le jour 1 sera imprégné, alors qu'un poussins prélevé à 20 jours sera seulement socialisé.
Mais le résultat final, si on veux un animal de compagnie, dépend encore de deux autres phases : le stade néophobique et le sevrage.
Encore une fois, ce ne sont que mes observations / conclusions après une vingtaine d'année d'élevage et se sauvetage en eam, et de partage avec d'autres collègues éleveurs; mais j'ai pu observer 4 phases cruciales dans le développement des oisillons :
- 1 ) Le stade aveugle : de 1 jour à l'ouverture des yeux, qui conditionne potentiellement l'imprégnation ou non.
- 2 ) Le stade de croissance : de l'ouverture des yeux au stade néophobique, c'est là qu'on fait grandir un poussin fort et qu'on le socialise grâce à des manipulations physiques ( ouverture des tubes de plumes, premières caresses, contacts réguliers avec les mains pour créer la confiance...)
- 3 ) Le stade néophobique : il intervient juste avant le sevrage, c'est une période qui correspond au moment ou le poussins epp commence à passer la tête hors du nid pour observer son environnement et prendre confiance. Ce n'est qu'une fois qu'il sera sur de lui qu'il prendra la décision de sortir explorer le monde, et sortir de sa phase néophobique au passage. Lors de l'eam c'est différent, car toutes les interactions sont imposées à l'oisillon. Il n'a donc pas forcément la possibilité d'observer suffisamment longtemps avant d'être mis en contact avec une situation qui lui fait peur. Du coup, il peut soudainement "régresser" (selon les termes que j'entends être employés), c'est à dire prendre peur des mains, ou de l'humain qui a nourri, ou d'objets dans la couveuse... Si on ne sait pas distinguer cette phase, on va effectivement forcer l'oisillons et le mettre en situation de peur. Cela peux ruiner la confiance établie et peux même effacer toute la socialisation qu'on a fait si on ne respecte pas le rythme de l'oisillon. Cette phase ne dure que quelques jours, et si on la comprends et qu'on limite les interactions négatives pour l'oiseau, elle disparaît aussi vite qu'elle est arrivée et l'oisillon passe à la phase suivante : le sevrage.
- 4 )Le sevrage : je ne parle pas ici du sevrage alimentaire, mais bien du sevrage psychologique, qui sont deux choses bien distinctes. Si l'on veut un oiseau destiné à être un oiseau de compagnie, et si on a bien traversé les 3 premières étapes, c'est là qu'on va apprendre à l’oiseau à vivre entouré d'humain, selon des codes à respecter pour les humains, tout en étant en pleine confiance avec eux. C'est une phase cruciale ou l'humain peut et doit être un guide pour lui apprendre à découvrir la nourriture, les jouets, le jeu , l'autonomie, l'abreuvement, le bain, les commandes de bases, la socialisation inter-espèces etc...
La façon dont on va traverser ces 4 phases définira le type d'oiseau qu'on obtiendra ensuite, pour peu qu'on fasse ça bien. C'est un peu comme une recette de cuisine mais plus complexe...
La recette pour avoir un oiseau eam imprégné et mal dans tête selon moi ? :
-1) l'élever à la main depuis la naissance, voir pire, le faire naître en incubateur et l’élever seul en lui accordant toute l'entièreté de son temps et de son attention (nourrissage toutes les 1 à 2 heures jours et nuit, ce qui implique énormément de temps privilégié pour l'oisillons)
- 2) élever le poussins en le manipulant sans cesse, avec de longue phases de câlins, le garder tout le temps dans les mains ou sur soi, voire sur l'épaule en permanence (je l'ai vu faire par certains "éleveurs"
...)
- 3) ne pas respecter le stade néophobique et forcer l'oiseau à ne pas avoir peur en lui imposant les manipulations qu'il ne veut plus, et en le plaçant en situations qu'il considère effrayantes pour le "rassurer" en le câlinant encore plus (d'où une future association câlins = situation de stress = morsure qu'on voit parfois apparaître à l'age adulte)
- 4) se montrer étouffant avec le jeune oiseau en interagissant sans cesse avec lui sans lui apprendre les notions de base de la vie comme l'alimentation variée, le jeu, l'autonomie... et ne pas lui accorder suffisamment de temps de repos et d'intimité parce qu'on veut que notre animal de compagnie soit à notre disposition à chaque instant où l'on en a envie.
A l'inverse, la recette pour avoir un eam aussi sauvage qu'un epp ?
-1) le laisser dans sa famille oiseau jusqu'à 20 ou 30 jours et le prélever après et avec toute sa fratrie.
-2) limiter le temps d'interaction au nourrissage strict, de préférence à la sonde, pour aller plus vite et manipuler l'oisillon le moins possible, ce qui permet de nourrir toute la nichée en quelques minutes.
-3) abandonner l'oisillon a sa phase néophobique en stoppant toute interaction avec lui vu qu'il a peur.
-4) Stopper toute interaction autre que les distributions d'eau, nourriture et nettoyage de cage. La fratrie sera alors totalement indépendante et aura retrouvé sa peur de l'humain intacte. En gros, des eam aussi sauvages que des epp.
Au final, je considère que le résultat qu'on veux obtenir dépend de notre façon de gérer ces 4 phases. Tout dépend de "pourquoi" on élève à la main et dans quel but. Si, pour moi, la première "recette" que j'ai donné est une aberration car c'est la recette du désastre, la deuxième "recette" que j'ai donnée et celle utilisée pour la sauvegarde et la réintroduction d'espèces menacées, et elle a donc toute son utilité.
Selon mon schéma, la "recette" pour un oiseau équilibré mais apprivoisé serait :
-1) commencer le nourrissage entre 10 et 15 jours, après l'ouverture des yeux, et en nourrissant au minimum 2 poussins en même temps (plus c'est mieux).
-2) S'appliquer à offrir aux oisillons un moment câlin après chaque nourrissage pour les habituer aux manipulations et caresses, tout en respectant une phase de repos stricte sans contact humain entre chaque périodes de manipulation, car les bébés ont besoin de dormir et d’interagir entre eux.
-3) Repérer la phase néophobique et accompagner l'oisillon à combattre ses peurs en lui laissant le temps d'appréhender ses craintes.
-4) Respecter le sevrage alimentaire en laissant le temps à l'oiseau de choisir par lui même l'abandon du nourrissage artificiel en le guidant vers la nourriture solide variée. Continuer à le manipuler tout en respectant son langage corporel et ses phases de repos. Introduire le sevrage psychologique en apportant les bases de l'apprentissage des règles sociales en milieu humain comme monter sur le doigt, rentrer et sortir de la cage, jouer seul, ne pas pincer, se laver....Bref, il faut enquiller sur l'éducation, soit parce qu'on souhaite garder l’oiseau, soit parce qu'on souhaite lui donner toutes ses chances de vivre heureux dans sa future famille qui n'aura plus qu'à prendre la suite de l'éducation avec ses propres règles.
Voila, encore une fois ce n'est que mon avis, et ce n'est que de la théorie. En pratique, chaque situation, chaque oiseau et chaque personne est différente, donc on est loin de la science exacte...